10

Après avoir enterré Dedou au plus profond du sable et l’avoir recouvert de pierres, la caravane reprit l’oued principal en contournant la montagne rouge. Ouser demeurait taciturne, se bornant à répondre quand on lui adressait la parole. Les âniers se concentraient sur leurs tâches, aussi abattus que l’explorateur. Leurs bavardages incessants et leur sourire facile manquaient à tout le monde ; et le vide à la place où le guide avait eu coutume de marcher emplissait chacun de tristesse.

Comme les autres, Bak allait en silence, accablé. Il ne pouvait comprendre pourquoi on avait assassiné Dedou. Certes, cela avait sa place dans une sorte de logique. Minnakht était un explorateur, comme l’homme disparu près d’un an plus tôt. L’inconnu poignardé au nord de Keneh paraissait être soldat ou archer, peut-être habitué à patrouiller dans le désert. Bak se reprit, se moquant de lui-même. Non, rien n’étayait cette dernière hypothèse, sinon qu’elle prêtait une relative cohérence aux faits connus.

Dedou avait servi de guide, comme le père de Nefertoum ; tous deux avaient voyagé avec des explorateurs. Mais contrairement au second, Dedou n’exerçait plus depuis maintes années. Qu’avait-il pu se passer, au cours de ses neuf jours avec Ouser, pour faire de lui la cible d’un meurtrier ?

Alors que le soleil se couchait derrière la montagne rouge en embrasant les collines environnantes, des nuages dissimulèrent les pitons déchiquetés. De plus en plus méfiants, Senna et les nomades les observaient sans cesse. Ouser marmonna quelque chose à propos de la pluie.

Le crépuscule épaissit les ombres. La brise fraîchit. Au loin, le tonnerre retentit et des éclairs semblables à de longs doigts grêles déchirèrent les nues. Ouser suggéra qu’on cherche un endroit plus élevé pour la nuit, au cas où l’oued serait submergé.

Bak, qui longtemps auparavant avait assisté à un orage dans le désert alors qu’il chassait à l’ouest de Ouaset, connaissait la violence des torrents qui déferlaient parfois dans les lits asséchés. Il avait vu, aussi, les oueds de la frontière sud s’emplir des eaux furieuses d’orages si lointains qu’on ne voyait à l’horizon qu’un ciel d’azur. Il envoya Nebrê et Kaha en reconnaissance dans les collines, afin de trouver un refuge.

Des nuages bas enveloppèrent les pentes. Les éclairs se rapprochèrent, aveuglants, et le tonnerre éclata avec fracas. Minmosé et Rona s’efforçaient de calmer leurs ânes, pendant qu’Amonmosé, Nebenkemet, et même Ani et Ouensou, aidaient les nomades à contrôler les leurs.

Tandis que les dieux se déchaînaient sur la montagne, la voûte céleste demeurait dégagée et lumineuse. Seules la lune et les étoiles les plus brillantes surpassaient l’éclat du firmament. L’oued était baigné d’une lueur jaune irréelle. Le désert exhalait une odeur particulière, humide et fraîche.

Ouser, qui marchait avec Bak près de la tête de la caravane, lui montra trois gazelles grimpant sur le flanc d’une colline.

— Elles fuient l’inondation.

— Si mes hommes ne trouvent pas très vite un refuge, il faudra suivre leur exemple et faire monter les ânes dans les rochers.

— Ces orages passagers déversent des trombes d’eau. Le sol ne pouvant les absorber, elles dévalent les pentes en emportant des blocs de pierre aussi grands qu’une maison.

« Sans parler des hommes et des animaux », pensa Bak, frissonnant.

 

L’orage finit aussi vite qu’il avait commencé. Les nuages se fragmentèrent puis se dispersèrent, révélant la silhouette de la montagne découpée contre un ciel de feu. Les ânes dressaient encore l’oreille, en alerte. Nul ne savait s’ils percevaient une menace ou étaient sensibles à l’inquiétude des hommes.

Rê pénétra dans le monde souterrain. L’obscurité venue, la lune redoubla d’éclat et les étoiles illuminèrent le ciel, permettant aux voyageurs de voir loin devant eux. Soudain, Nebrê et Kaha apparurent au détour de la piste et accoururent.

— Nous avons trouvé, chef ! annonça Nebrê. Un plateau que les eaux ne pourront atteindre. Il y aura de la place pour tout le monde.

— À quelle distance ? demanda Ouser.

— Au train où vous allez, presque à une heure de marche. Il n’y a pas de chemin bien tracé. Il faudra peut-être décharger les ânes pour leur faire escalader la pente.

— Rien de plus proche ?

— Rien.

— Voilà déjà une heure qu’on voit monter les gazelles, souligna Bak.

— Nous en avons vu quelques-unes, et des ibex, admit Kaha d’un air soucieux. On pourrait grimper n’importe où, mais pas les ânes.

— Nous devons les presser, répondit Bak, et dire à ceux qui ferment la marche de resserrer les rangs. Restons groupés.

D’un air résolu, Ouser fit demi-tour afin de transmettre la consigne. Soulagé qu’il se montre beaucoup moins intraitable qu’il l’avait d’abord paru, Bak alla retrouver son sergent.

— Avance avec nos ânes, Psouro. Kaha te montrera où nous camperons. Vous devrez trouver les meilleurs chemins pour accéder au plateau et les dégager si nécessaire. Nous autres restons derrière afin d’encourager les bêtes d’Ouser.

— Et Senna ?

— Vous n’aurez pas besoin de lui. Nous, si.

 

— On est environ aux deux tiers du chemin, déclara Nebrê à la vue d’un grand monolithe saillant du lit de l’oued.

Bak ne mit pas l’affirmation en doute. Sur la frontière sud, ses Medjai avaient appris des nomades à utiliser de tels repères et d’autres formations naturelles moins évidentes pour trouver leur chemin dans le désert.

Nebrê s’arrêta, réclama le silence en levant la main et écouta. Bak entendit, lui aussi, un grondement lointain.

— Un glissement de terrain ?

— On peut appeler ça ainsi, répondit Ouser. C’est l’eau qui se rue le long d’une pente.

Sentant le ver de la peur ramper sur son échine, Bak tenta de garder espoir :

— Cela semble loin au nord.

— Elle arrive dans notre direction. Je parie que les premières pluies sont tombées là-bas.

— Elles auraient avancé en même temps que les éclairs ?

Ouser eut un sourire désenchanté.

— Nul ne connaît les intentions des dieux, lieutenant, mais je ne serais pas surpris de voir de l’eau avant l’aube.

 

— Tire fort ! hurla Amonmosé en frappant durement l’âne sur le flanc.

Nebenkemet, qui tenait une corde entourant le cou et les antérieurs de l’animal, le hissa quasiment dans la faille étroite. Pendant qu’il l’encourageait à continuer vers le plateau où Minmosé et Psouro attendaient, Bak passa à l’âne suivant. Il trouva Ani tirant sans résultat sur la longe. L’animal avait posé les deux pattes avant sur la pente caillouteuse mais, sentant le sol glisser, il refusait d’aller plus loin. Bak le tapa sur le flanc et le poussa. Avec un braiment furieux, l’âne finit de monter en projetant une pluie de pierres derrière lui. Ani se hâta de le guider vers le plateau.

Bak aida Rona à convaincre son âne d’avancer sur un chemin plus raide, mais plus stable, et attendit afin de porter assistance à Ouensou. Ouser et lui avaient décidé de ne décharger les bêtes qu’en dernier ressort. Il restait peu de temps et ils n’avaient pas assez d’hommes pour tout porter.

— Combien encore ? cria Ouser d’en haut.

— Quatre ! lança le lieutenant, après un coup d’œil en arrière.

Nebenkemet dévala la pente et s’arrêta, en sueur, à côté du premier âne pour l’entourer de la corde afin de le hisser. Empoignant le licou du deuxième, Nebrê l’entraîna sur un rocher en pente vers un passage sablonneux assez facile, qui menait au plateau. Alors qu’il allait l’atteindre, les sabots du baudet glissèrent sur le granit et il tomba à genoux. Amonmosé grimpa pour l’aider à se relever.

Ouensou descendait chercher un autre âne quand Bak entendit un bruit rocailleux, comme des pierres roulant à l’intérieur d’une poterie. Cela se transforma en grondement et alla s’amplifiant.

— Remonte, Ouensou ! cria-t-il, jetant la longe du troisième âne à Kaha. L’eau arrive !

Terrifié par le bruit, l’âne s’emballa, tirant pour ainsi dire le Medjai vers le sommet. Les yeux écarquillés, Ouensou les regarda passer et resta pétrifié. Amonmosé et Nebrê réussirent à remettre leur âne sur ses pattes et à le faire monter jusqu’au chemin.

Bak se retourna pour saisir le licou du dernier animal, qui évita sa main, mais il l’empêcha de fuir en attrapant la courroie qui maintenait les jarres. L’âne secoua la tête et rua pour se libérer. Évitant ses sabots, Bak l’entraîna vers la pente déjà empruntée par Kaha. Amonmosé vint à sa rescousse et tira avec lui.

Soudain surgit, au détour d’une courbe, un mur d’eau qui engloutissait rochers, buissons et arbres dans un affreux grondement. L’âne roulait des yeux terrifiés et poussait des braiments déchirants ; il se remit à ruer, obligeant Bak à se déporter sur la pente caillouteuse.

À ce moment, Senna dégringola à moitié sur la surface instable. Cherchant à ralentir, il s’accrocha à une excroissance rocheuse, mais son pied percuta le lieutenant et le précipita vers l’eau.

 

Le choc fut si violent qu’il en eut le souffle coupé et crut s’être brisé la colonne vertébrale. Les flots l’aspirèrent et le roulèrent comme les pierres autour de lui. Hébété par le fracas, aveuglé par les tourbillons de sable, il avait trop peur pour réfléchir. Il se mit en boule pour se protéger de son mieux, puis s’abandonna au courant.

En même temps que le désir de respirer, la volonté de vivre grandit en lui. Implorant Amon afin que son dos fût intact, il se redressa et s’étira de tout son long. Son corps était endolori, mais il n’était pas blessé. Soulagé, il regarda tant bien que mal à travers l’eau trouble. Ce qu’il avait pris pour le fond de l’oued, en bas, brillait plus que ce qu’il distinguait au-dessus de lui. Repoussant une branche d’acacia, il se retourna et nagea de toutes ses forces vers la lumière. Il brisa la surface, aspira l’air à pleine gorge – et de l’eau sableuse en même temps. Toussant, il chercha la terre des yeux.

Aussi loin qu’il pût voir, l’oued était empli d’eaux turbulentes et rapides. Chaque vaguelette scintillait sous le clair de lune tel du verre argenté se brisant à peine formé. Il se trouvait à vingt pas d’une colline très semblable à celle où la caravane s’était réfugiée. À vingt pas de la terre ferme. Une distance qu’il eût parcourue avec aisance en temps normal, mais qui, dans ces flots impétueux et chargés d’obstacles, semblait infranchissable. Cependant, il n’avait pas le choix : il commença à fendre le courant. Il ne laisserait pas passer cette chance de rester en vie.

Une grosse jarre le dépassa en dansant sur l’eau, prise dans les branches d’un arbre mort. Sans doute une de celles de la caravane. Cela lui rappela le malheureux baudet. Et Amonmosé. Ils avaient, à coup sûr, été emportés comme lui.

Il regarda de tous côtés dans l’espoir de les apercevoir. À mi-chemin du rivage, il repéra l’âne qui maintenait son museau au-dessus des remous. Débarrassé des jarres, il nageait au fil du courant. Son fardeau s’était-il détaché seul ? Avec obstination, Bak scruta les eaux. Il crut distinguer une tête humaine de l’autre côté de l’âne.

Espérant avoir trouvé Amonmosé – ou Senna ; il ne savait si le nomade aussi était tombé –, il se propulsa vers l’animal. La force initiale du courant avait diminué, toutefois pas au point de faciliter ses mouvements. Les bouillons d’écume l’empêchaient de s’assurer qu’il y avait bien un homme.

Lentement, il s’approcha. L’âne s’affola, craignant un nouveau danger après tous ceux qui l’avaient déjà assailli. Bak se laissa porter par les flots, accordant un répit à ses muscles las, tout en lui parlant pour le rassurer.

— Lieutenant ? cria Amonmosé, dont la tête apparut au-dessus du baudet. Les dieux soient loués ! Je pensais ne jamais te revoir.

Bak s’accrocha à la crinière en brosse.

— Moi aussi, en pensant à toi et à cette pauvre bête, je redoutais le pire.

— Sans lui, je ne serais pas là. Je ne sais presque pas nager. Il a bien essayé de se débarrasser de moi, mais j’ai tenu bon. Je savais qu’il était ma seule chance de salut.

La nécessité de crier pour se faire entendre ne rendait pas Amonmosé moins loquace.

— Par bonheur, malgré ma peur, j’ai eu la présence d’esprit de le décharger. Il avait peine à surnager, avec ces grosses jarres sur son dos. Il a dû comprendre que je l’aidais, car il s’est calmé et m’a laissé m’agripper à son cou.

Bak poussa doucement l’âne vers la rive, formée de rochers acérés.

— Nous n’arriverons peut-être pas tout de suite à rejoindre la terre ferme mais, au moins, nous serons assez près si nous trouvons un endroit accessible.

« Ou si nous cédons au désespoir », ajouta-t-il en son for intérieur.

— Où sommes-nous, le sais-tu ? demanda Amonmosé.

— Pas très loin, la caravane nous rattrapera demain matin.

Plaisantant pour détendre l’atmosphère, il ajouta avec une feinte tristesse :

— Amonmosé, je crains fort que nos compagnons finissent les cailles et ne nous laissent rien à nous mettre sous la dent.

Le marchand lui sourit par-dessus l’âne – un sourire mouillé mais plein de bonne humeur.

— Une chose est sûre : on ne risque pas de mourir de soif.

 

— L’âne se fatigue, lança Amonmosé. J’avoue que moi aussi.

— Pas question de renoncer !

Bak, aussi épuisé que ses compagnons, observa l’éminence devant laquelle ils passaient. Il nageait en avant, cherchant une issue. Jusqu’à présent, toutes les parois qu’il avait vues étaient impossibles à escalader. Et sa plus grande inquiétude n’était pas la terre émergée, mais les rochers dissimulés sous la surface. Après le vaillant combat que l’âne avait livré pour nager avec eux, en supportant le poids croissant d’Amonmosé, il ne voulait pas qu’il se casse une patte et meure noyé.

À plusieurs reprises, il s’était approché de la rive, tâtant le fond sous ses pieds. Chaque fois, il avait senti des obstacles, des arêtes vives que l’âne n’aurait pu franchir. Et, chaque fois, il avait dû affermir sa volonté pour continuer. La violence des flots déclinait, mais ses forces aussi. Il lui semblait qu’ils étaient tombés depuis une éternité.

Il supplia les dieux de les considérer avec faveur. À peine avait-il émis cette prière qu’il remarqua une profonde entaille dans une crête. Il lutta contre les rapides qui en barraient l’entrée et pénétra dans une anse paisible. Quelques instants plus tard, il sentit – merveilleuse sensation ! – du sable sous ses pieds. Bientôt, l’eau ne lui arriva plus qu’à la taille, puis aux genoux. Un peu plus loin s’étendait une plage de sable sec.

Il n’aurait pu trouver meilleur havre.

Il entendit un bêlement et distingua alors, vers le fond de la crevasse, quatre chèvres et un chevreau qui s’y étaient eux aussi réfugiés.

Il rebroussa chemin et nagea rapidement vers l’oued. Il devait rattraper Amonmosé et l’âne avant que les eaux ne les emportent. Ils étaient tous trop las pour résister longtemps.

Comme il le craignait, ils étaient passés, mais tout n’était pas encore perdu. Il pensait avoir la force de les ramener – s’ils puisaient en eux-mêmes celle de l’y aider.

— J’ai trouvé ! cria-t-il.

Il se propulsa vers l’âne, dont il attrapa la bride afin de le tourner contre le courant. L’animal n’eut pas le courage de se rebeller longtemps.

Amonmosé secoua la tête.

— Je n’en peux plus.

Jamais Bak ne l’avait vu aussi las, aussi accablé.

— Accroche-toi à sa crinière près du garrot et bats des pieds. Mais ne lui fais pas supporter tout ton poids. Nage ! Ce n’est pas loin.

Avec l’énergie du désespoir, Amonmosé obéit. Soutenus par les encouragements de Bak, ils gagnèrent la faille en progressant à contre-courant, puis pénétrèrent dans la crique.

Bak se dressa pour évaluer la profondeur de l’eau ; elle lui arrivait aux épaules. Amonmosé le regarda fixement comme s’il ne pouvait y croire, puis l’imita. Dès que l’âne épuisé sentit le sable sous ses sabots, il s’arc-bouta et refusa d’avancer.

— On ne peut pas le laisser là, marmonna Bak. Il faut qu’il sèche, qu’il se réchauffe.

Hébété, Amonmosé poussa l’animal par-derrière pendant que Bak le tirait. Dès qu’ils furent sur le rivage, il lâcha la longe, tomba à genoux et, murmurant une vague prière de gratitude, il roula sur le sable chaud. Il eut à peine le temps de voir Amonmosé s’écrouler de l’autre côté des pattes tremblantes de l’âne, et il s’endormit.

 

Bak entendit un appel brusque, puis il se sentit secoué par l’épaule. Il ouvrit les paupières et, à contre-jour devant le soleil aveuglant, il découvrit un petit visage au-dessus de lui. Se protégeant les yeux, il s’assit lentement pour regarder le gamin qui l’observait. Celui-ci recula vivement et le sourire de Bak ne put le rassurer.

Amonmosé était resté là où il était tombé, cependant l’âne avait disparu. Les eaux également. Elles s’étaient retirées du sol sablonneux de la faille, et de l’oued aussi, sauf par endroits où de grandes flaques reflétaient le ciel. Bak sourit à nouveau à l’enfant. Ce que les dieux donnaient, ils le reprenaient – et parfois très vite.

Ses pensées se tournèrent vers ses Medjai et la caravane. La dernière fois qu’il les avait vus, ils étaient assez haut sur la colline pour échapper à l’inondation. De tous, Senna courait le plus grand péril. Bak espérait qu’il était sain et sauf. Sa maladresse avait failli leur coûter la vie, à tous deux ; mais nul ne méritait de mourir pour une faute accidentelle. Si tant est qu’elle le fût.

Ouser, en homme de bon sens, conduirait la caravane jusqu’au puits suivant. Dans le cas improbable où il aurait pris la décision d’attendre, les Medjai continueraient leur chemin afin de chercher les disparus. Le soleil se levait à peine au-dessus des sommets. Ils devaient être en route depuis longtemps.

Bak et Amonmosé essayèrent l’un et l’autre de tirer quelques mots au gamin, mais il ne parlait que sa propre langue. Il demeurait assis à bonne distance, trop timide ou craintif pour s’approcher, et il les observait de ses yeux intrigués.

— Quand la caravane viendra, nous lui donnerons à manger, dit Amonmosé.

— Et aussi un cadeau. Il a pris soin de l’âne pendant que nous dormions.

Au bout d’un long silence, Amonmosé avoua :

— Jamais je n’ai eu autant faim. Bientôt, je ne serai plus que l’ombre de moi-même, ajouta-t-il en tapotant son ventre volumineux.

— Nous avons de l’eau douce en abondance, lui rappela Bak en souriant.

— La seule pensée de l’eau me dégoûte. Ce Senna ! s’exclama-t-il en examinant une longue estafilade sur son bras, due à une branche d’acacia. À la moindre provocation, je lui tords le cou.

— Il n’avait pas l’intention de me faire tomber. Lui aussi a pu être emporté, d’ailleurs.

— Il t’a poussé d’un coup de pied.

— Non, il a glissé sans pouvoir contrôler sa chute.

Le marchand ne parut pas convaincu.

— Le jour où il s’est joint à notre caravane, Ouser m’a conseillé de ne jamais lui faire confiance.

— Minnakht a insisté pour partir sans lui. Que pouvait-il faire ?

— Qui te dit que Senna n’a pas tué Minnakht ? Ou cet homme, au nord de Keneh ? Comment sais-tu qu’il n’est pas l’assassin de Dedou ?

— Quand l’inconnu du puits est mort, Senna était sur la piste avec mes hommes et moi. Et en ce qui concerne le meurtre de Dedou, l’un d’entre nous l’aurait entendu s’il avait quitté notre campement.

— Ouser m’a dit que tu te méfiais de ton guide, et voilà que tu prends sa défense !

— Comme tu le sais, je suis un policier. Je ne dois pas juger de manière hâtive.

— Accorde-moi une chose : il est possible que Senna t’ait poussé exprès.

Bak posa la main sur l’épaule du marchand.

— Sois tranquille, Amonmosé. Désormais, je me tiendrai sur mes gardes.

L'ombre d'Hathor
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